La racine

Nous avons ici l’histoire d’un amoureux qui raconte à sa bien-aimée tout ce qu’il a fait pour elle et lui demande si elle connaît, elle, d’autre service que ce qu’il a fait.
« Instruis-moi, lui dit-il, car je me soumets à tout ce que tu peux m’ordonner »
C’est en fait le dialogue entre le corps et l’âme, entre le coeur et l’esprit, la nécessité de la transmutation en pur amour pour atteindre la Réalité suprême!

Un amoureux, en présence de sa bien-aimée, rappelait ses services et ses travaux, Disant: « Pour toi, j’ai fait telle et telle chose, dans cette guerre j’ai souffert des flèches et des lances.
« La richesse a disparu, et la force a disparu, et la réputation a disparu: à cause de mon amour pour toi, bien des malheurs me sont arrivés.

« Nulle aube ne m’a trouvé endormi ou riant: nul soir ne m’a trouvé dans une demeure tranquille. »
Ce qu’il avait goûté d’amertumes et de lie, il le lui racontait en détail, point par point;
Non pas en guise de revendication; il faisait seulement montre de cent témoignages de la réalité de son amour. […]
L’amoureux à cause de cette ancienne peine, prononçait cent paroles de plainte, en disant: « Je n’ai pas dit un seul mot. »
Il y avait en lui un feu: il ne savait pas ce que c’était, mais son ardeur le faisait pleurer comme une bougie.
La bien-aimée lui dit: « Tu as fait tout cela, cependant ouvre tes oreilles toutes grandes et écoute bien;
« Car tu n’as pas accompli ce qui est la racine de la racine de l’amour et de la fidélité: ce que tu as fait, ce ne sont que les branches ».

L’amoureux demanda : « Dis-moi, quelle est cette racine? » Elle répondit: « Cette racine c’est de mourir et de s’anéantir.
« Tu as fait tout le reste, mais tu n’es pas mort, tu es vivant. Donc, tu es un ami prêt à se sacrifier! »

Aussitôt, il s’étendit de tout son long et rendit l’âme: comme la rose il donnait sa vie, en riant et en se réjouissant. (Mathnawî V,1242)

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