Loin de vous

Dans l’ode mystique No 138, Rûmî nous relate la souffrance de la séparation d’avec le Bien-Aimé. Il nous dit aussi combien il serait douloureux de pouvoir vivre sereinement loin de LUI, notre Bien-Aimé. Les rameaux du jardin de la joie, nous dit-il, qui sont vivaces et verdoyants, qu’ils soient desséchés, loin de vous !

Que notre visage ne soit que pâleur, loin de vous ;
Qu’au fond de la mer du coeur ne se trouve pas de perle, loin de vous !
Les rameaux du jardin de la joie, qui sont vivaces et verdoyants,
Qu’ils soient desséchés, loin de vous, et qu’ils se fanent, loin de vous.
Ce phénix du coeur, habitué à vivre dans votre ombre,
Qu’il ne soit pas dans les flammes du feu, loin de vous.
J’ai vu l’âme souffrante et lui ai dit : « Es-tu heureuse ?
Ah ! dis-moi pourquoi n’y a-t-il pas de fruits ? Que les fruits ne mûrissent pas
loin de vous ! »
L’âme a détourné de moi son visage, elle a contemplé sa propre image,
Elle a dit : »Que ma dure peine ne soit pas adoucie loin de vous ! »
Puisque vous-même, et tous les êtres, sont comme ces figures sculptées
par Âzar,
Qu’Âzar lui-même et ce qu’il crée ne restent pas loin de vous.
Nous donnons à boire au coeur, gorgée par gorgée, avec la coupe pleine de feu ;
Que ce coeur ne boive pas le sorbet du Kawthar loin de vous.
Cent mille âmes se sont sacrifiées pour le vin du jour prééternel.
L’intelligence dit : »Que ce vin ne m’enivre pas, loin de vous ! »
Les deux villages, c’est-à-dire, les deux existences d’ici-bas et d’au-delà, ont été magnifiés par ton parfum :
Que dans ces deux villages, cet humble serviteur ne soit pas maître, loin de vous.
L’oeil de l’observateur est rempli de lumière parce qu’il t’a vu ;
Que ces deux yeux ne soient pas inondés de lumière loin de vous.
Et si, lorsque nous sommes loin de vous, chacun de nos cheveux devenaient un Sandjar ou un Khosraw,
Que Khosraw, roi des rois, ou Sandjar, n’existent pas loin de vous.
Tant que la séparation d’avec Shams de Tabrîz nous blesse comme le sabre,
Que les bouquets de fleurs soient pareils à des sabres, loin de vous.

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Tout ce qui était visible est devenu invisible

A travers ces quelques vers, Rûmî nous parle de la Vie et de la mort. Il nous dit combien elles sont étroitement liées, inséparables. L’une contenant l’autre, l’une ne pouvant exister sans le retrait de l’autre ! En réalité, il n’y a que Vie ! Tantôt visible à ce monde, tantôt visible à l’autre monde …. seul un voile les sépare !
Pourquoi dès lors pleurer et se révolter contre la mort, Elle qui n’est autre que la Vie Eternelle !
C’est l’ode No 999 qui nous accompagne aujourd’hui

De la patrie des âmes sont venues les armées de l’Ame.
Les armées du visible et de l’invisible sont venues.
Le vêtement de ma patience est déchiré du haut en bas,
Car du chemin de l’âme sont arrivés ceux qui déchirent les vêtements.
Les beautés de l’âme ont mis leurs voiles
Et sont parties à la recherche du Roi du monde.
Tel un torrent impétueux, elles sont descendues d’au-delà de l’espace,
Et en dansant sont venues vers l’espace.
L’Image qui se trouve dans le coeur a détruit toutes les images.
Celles qui sont voilées sont venues conquérir le royaume.
Tout ce qui était visible est devenu invisible,
Tout ce qui était invisible est devenu visible
Tout ce qui possédait un signe est devenu dénué de signe,
Tout ce qui était sans signe est devenu pourvu de signe.

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C’est l’Eau de la Vie éternelle

Encore et toujours Rûmî nous parle et nous invite à plonger dans le fleuve de l’Amour divin. C’est l’Eau de la Vie éternelle !
Il nous décrit simplement, avec des images du quotidien, les étapes à franchir pour entrer dans ce fleuve et s’y noyer. Il nous décrit avec amour et confiance ce qui attend l’âme de l’amoureux lorsqu’il plonge enfin….
C’est l’ode No 331 que je vous confie aujourd’hui

Pour ce roi qui ne désire ni tambours, ni étendards,
Je suis devenu fou : les fous sont en dehors des lois.
Tu me vois de loin, un être falot qui marche,
Mais cet être n’est qu’imagination, il n’est que pur néant.
Avance, et deviens néant, car le néant est la source de l’âme,
Mais non pas cette âme qui n’est que chagrin et souci.
Moi sans moi, toi sans toi, plongeons dans ce fleuve ;
Sur cette terre ne sont que malheur et tyrannie.
Dans ce fleuve on se noie, on n’y perd pas la vie :
C’est l’Eau de la Vie éternelle, la grâce et la miséricorde.

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Mon Seigneur sait mieux

Ode troublant que nous livre Rûmî dans ce No 527 !
Troublant et pourtant, ô combien réaliste par les temps qui courent ! Alors qu’il est question de l’avenir de la planète, ces vers nous ramènent à une réalité suprême.
L’homme croit qu’il détient le pouvoir sur tout, qu’il peut agir comme bon lui semble dans tous les domaines, sans tenir compte du Maître Suprême.
« Mon Seigneur sait mieux » nous rappelle Rûmî, comme pour nous inviter à reprendre conscience de la place qui est la nôtre dans la Création !

Un souffle jailli du sein de l’amoureux suffirait à incendier le monde,
A disperser l’univers insignifiant, tel des grains de poussière.
Le Cosmos tout entier deviendrait un océan ;
Une terreur sacrée réduirait cet océan à néant.
Nul être humain ne resterait alors, et nulle créature ;
Une fumée s’élèverait du firmament ; il n’y aurait plus d’hommes, ni d’anges.
Hors de cette fumée, voici qu’une flamme soudain brillera sur la voûte céleste ;
En cet instant, le ciel se fendra, il ne restera plus d’existence, ni d’espace.
Un trouble s’élèvera du sein de l’univers, il sera mêlé de deuil.
Tantôt le feu consumera l’eau, tantôt l’eau éteindra le feu ;
Tantôt les vagues de l’océan du néant envelopperont de leur flot le coursier du jour et de la nuit.
Le soleil décroît devant l’éclat de l’âme de l’homme.
Interroge moins ceux qui ne sont pas les confidents du Secret,
Quand le confident du Secret lui-même ne peut te répondre.
Mars perdra sa bravoure, Jupiter brûlera le Livre du monde,
La Lune ne gardera pas son empire, sa joie sera ternie de chagrin.
Mercure sombrera dans la boue, Saturne s’embrasera.
Vénus, chanteuse du ciel, ne jouera plus ses mélodies joyeuses.
L’arc-en-ciel s’enfuira, et le vin, et la coupe ;
Plus de bonheur ni de plaisir, plus de blessure ni de remède ;
L’eau ne s’irisera pas, le vent ne balaiera pas la terre ;
Le jardin ne se livrera plus à la joie, le nuage d’avril ne répandra plus sa rosée.
Plus de douleur ni de consolation, plus d’ennemi ni de témoin ;
Plus de flûte ni de chant, plus de luth, ni de mode, grave ou aigu.
Les causes s’évanouiront ; l’échanson se servira lui-même.
L’âme récitera : « Mon Seigneur est le plus haut ! » Le coeur s’écriera : « Mon Seigneur sait mieux ! »
Lève-toi, car le peintre de l’éternité s’est mis à l’oeuvre une nouvelle fois,
Afin de dessiner des figures sans pareilles sur l’étoffe bigarrée du monde.
Dieu a allumé un feu pour brûler tout ce qui n’est pas la Réalité :
Le feu brûlera le coeur, brûlera le coeur de cet univers.
Le soleil de Dieu a pour coeur l’Orient ; et l’éclat de cet Orient
Rayonne à tout instant sur le fils de Adham, illumine Jésus, fils de Maryam.

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Le moment de l’union

Dans cet ode No 207, Rûmî nous rappelle combien est important le moment de l’union au Bien-Aimé. Par différents exemples il nous invite à entrer dans la compréhension profonde de « Lui », le Bien-Aimé. Il nous invite à vivre humblement l’état d’union avec Lui, à nous détacher des désirs de ce monde éphémère à accueillir simplement l’instant présent hors du temps ! Que de délice pour l’âme le moment de l’union !

O Toi réconfort de mon âme au temps de la douleur,
O Toi, trésor de mon esprit dans l’amertume du besoin !
Ce que l’imagination n’a pas conçu, ce que la raison et l’entendement n’ont pas perçus
Sont venus de Toi à mon âme, c’est pourquoi je me tourne vers Toi, T’adorant.
Par ta grâce, je garde mon regard amoureux fixé sur l’éternité.
O roi, comment pourrait me leurrer la pompe éphémère ?
La voix mélodieuse de celui qui m’apporte des nouvelles de Toi
Ne serait-ce qu’en rêve, m’est plus douce que les chants.
Dans les prosternations de la prière, la pensée de Toi, ô Seigneur,
Est pour moi aussi nécessaire que réciter « les Sept versets réitérés ».
A toi appartiennent la pitié et l’intercession pour le péché des impies.
Tu es mon seigneur et le maître de ceux qui ont un coeur de pierre.
Une générosité éternelle m’offrirait-elle des royaumes,
Un trésor caché se répandrait-il tout entier devant moi,
Je me prosternerais de toute mon âme, je poserais ma face dans la poussière,
Je dirais : « Entre toutes ces choses, l’amour d’un seul me suffit ! »
Pour moi, la vie éternelle est le moment de l’union,
Car pour moi ce moment est en dehors du temps.
La vie est pareille au vase, l’union est la liqueur pure qu’il contient.
A quoi bon, sans toi, conserver ce vase ?
Auparavant, j’avais vingt mille désirs :
Dans ma passion pour Lui, aucun désir n’est demeuré.
Je suis devenu en sécurité, avec l’aide de sa grâce, car
Le roi invisible m’a dit : « Tu ne me vois pas ».
C’est la signification essentielle de « Lui » qui a rempli mon coeur et mon âme !
L’union avec Lui a pénétré mon âme, mais mon corps l’a ignoré.
Bien qu’incorporel, Il est devenu pour moi visible.
Le chagrin pour lui m’a vieilli, mais quand tu nommes Tabriz,
C’est toute ma jeunesse qui revient à moi.

Podcast et intermède musical: Le moment de l’union

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