La quête du bonheur et de l’amour est et reste d’actualité à travers les époques, Rûmî nous en parle tout au long de ses enseignements. Je vous partage aujourd’hui une de ses nombreuses merveilles, pur ravissement pour le coeur et l’âme.
Voici l’ode No 142
Le bonheur est devenu notre voisin. Salut aux voisins !
Désormais, il ne restera ni celui-ci, ni celui-là.
Enfin, de l’orient de l’âme a jailli, comme le soleil,
Celui que l’âme cherchait, en public et en secret,
Celui-ci, qui est de loin comme le feu, et de près comme la lumière,
Pareil au Buisson ardent pour vous mettre à l’épreuve.
Salut, ô vous dont les âmes sont semblables aux phalènes, orientez-vous sur ce feu.
Puisqu’au commencement vous avez dit « Oui », acceptez le malheur.
Il est semblable à la salamandre qui demeure dans le feu
Celui qui a dans le coeur et dans l’âme un tel désir et un tel amour.
Alors que partout le déconfinement se met en place avec une certaine prudence, certes, mais progresse, espérant la reprise des affaires, du tourisme, des rencontres, une question traverse mon esprit : Pourquoi tant de frénésie à vouloir retourner à ce qui était avant ?
Quelle est la Voie qui nous invite aujourd’hui après ces mois de « mise en pause » du système économique ?
La réponse que je vous propose est celle contenue dans l’ode No 374 de Rûmî qui mérite méditation.
Quelqu’un demanda : »Quelle est la Voie ? »
Je dis : « La Voie, c’est renoncer aux désirs ».
O toi, amoureux de Dieu ! Sache que ta voie
Consiste dans la recherche du consentement de ce Maître.
Puisque tu recherches le désir et la volonté de l’Ami,
La recherche de ton propre désir est pour toi illicite.
L’âme est devenue tout entière amour de l’Aimé,
Cet amour est un monastère sublime.
L’amour pour Lui n’est pas plus aisé à atteindre que la cime des monts.
Le faîte de la montagne, pour nous, c’est l’accomplissement.
La grotte où se cache l’Ami, c’est l’Amour.
L’harmonie de l’âme est l’oeuvre de Sa beauté ;
Toutes les choses que te donne la pureté sont licites.
Il ne m’appartient pas de te préciser lesquelles :
Garde le silence et suis le Maître (le Pîr) de l’amour :
Lui seul est ton guide dans ce monde et dans l’autre.
Dans l’ode No 314, Rûmî nous rappelle les règles à suivre pour nous rapprocher de l’union. Avec amour, il nous décrit les pièges, les attitudes, les attachements qui nous maintiennent loin de Lui (Dieu). Il nous rappelle ce qui sied au chercheur et ce qui convient à celui qui ne croit qu’en la réalité de cette vie. Si tu ignores l’amour, dors ! Ode merveilleux à méditer.
Si tu ignores l’amour, voici ce qui te convient : dors !
Va, l’amour et le chagrin pour Lui, c’est notre part : toi, dors !
Le soleil de notre douleur pour l’Ami nous a rendus pareils aux poussières qui dansent dans ses rayons.
Mais toi, dans le coeur de qui ne s’est jamais levé ce désir, dors.
A la recherche de l’union avec Lui, je cours comme une eau impétueuse.
Toi qui ne te soucies pas de savoir où Le trouver, dors.
La voie de l’amour est en dehors des soixante-douze voies, dors !
Puisque ton amour et ta voie sont la tromperie et l’hypocrisie, dors.
Son vin matinal est notre prière de l’aube, et ses grâces amoureuses notre prière du soir.
Toi dont le désir va aux mets délicieux, toi qui te soucies du soir dors.
Pour chercher la pierre philosophale, nous avons fondu comme le cuivre.
Toi pour qui le lit et le compagnon de lit sont la pierre philosophale, dors !
Puisque tu es ivre, et chancelles, et te relèves
Bien que la nuit soit passée et l’heure de la prière venue, dors.
Le destin m’a ôté le sommeil, va-t’en, ô jeune homme !
Tu n’as pas dormi, mais tu peux compenser ton manque de sommeil : dors.
Nous sommes captifs de l’amour, que fera-t-il de nous ?
Puisque tu es prisonnier de toi-même, va te coucher paisiblement et dors.
C’est moi qui mange le pain des larmes. ô ami ! C’est toi qui manges des choses exquises.
Puisqu’un mets délicieux est propice au sommeil, dors.
J’ai renoncé à l’espoir et à la vie aussi.
Toi dont l’espoir est gai et joyeux, dors.
J’ai déchiré l’habit des lettres, j’ai abandonné la parole.
A toi qui n’es pas nu sied une tunique. Va donc, et dors !
L’ode que j’ai choisi aujourd’hui de vous partager nous interroge sur la confiance perdue face à l’Amour infini du Bien-Aimé. Pourquoi l’âme ne se tient-elle pas au seuil du Bien-Aimé ? Pourquoi douter et se faire du soucis quant à l’avenir du monde ? L’amour serait-il donc incapable de faire un choix ?
Troublant de beauté et d’actualité….
Je connais ce monde : il n’exécute pas ses promesses.
Dans le monde entier ne se trouve pas un seul confident.
Ne contemple pas ce disque doré dans les hauteurs du ciel :
Il n’a rien à l’intérieur, pas même une natte de paille !
Tant d’imbéciles se hâtent vers le piège de ce monde
A l’instar d’aveugles qui n’ont pas de bâton à la main !
Ils se font du souci pour ce monde, c’est pour lui qu’ils tremblent.
Etrange déraison qui n’a point de remède !
Il fait croire à sa beauté parce qu’elle reste voilée :
En réalité, c’est une vieille femme, laide et sans aucun attrait.
Quiconque se soumet à ses sorcelleries est pareil au serpent,
Sans pieds, sans mains, sans intelligence et sans religion.
Celui-ci donne sa vie pour ce monde quand, par malheur,
Il n’a pas trouvé vers le Bien-Aimé un chemin salvifique.
Quel est ce cuivre plein de scories, qui oublie sa nature de cuivre,
Et s’imagine qu’il n’est point pour lui de pierre philosophale ?
A cause d’une vague image, on devient soi-même illusion,
On n’a que douleur, peine et souffrance.
Pourquoi l’âme ne se tient-elle pas au seuil du Bien-Aimé ?
L’amour serait-il donc incapable de faire un choix ?
Combien de rois ont par amour conquis cent royaumes :
Une souveraineté telle qu’elle n’aura pas de fin.
Quelle faute cet amour a-t-il commis envers toi
Que tu le nies et dises qu’il est sans générosité ?
Une seule difficulté t’a fait reculer ;
Quel chemin as-tu vu qui ne comporte point de risques ?
Reste silencieux, car on fait pleuvoir sur les amoureux
Des perles si précieuses qu’elles n’ont pas de prix.