O silence!

Superbe poème de Rûmî extrait des Odes mystiques (No 38.)

J’ai échappé à cette concupiscence et à ce désir; qu’on soit vivant ou mort, c’est un fléau.
Vivant ou mort, ma patrie n’est que la grâce de Dieu.
J’ai échappé à cette poésie et à ces ghazals, ô Roi et Sultan de l’éternité.
O silence, tu es ce qu’il y a de plus précieux au centre de moi-même,
Tu es le voile de toute suavité en moi.
Fais moins étalage de ta science, fais silence, car dans le silence il n’est ni crainte ni espoir.
Pour le village détruit, abandonné et déserté, il n’est point de dîme ni de taxe de la terre.
Je suis ivre et détruit, ne cherche en mes paroles ni valeur ni erreur:
Avant qu’Il ne me détruise, comment me donnerait-Il ce trésor?
Avant qu’Il ne me jette dans les flots, comment l’océan de la libéralité m’emporterait-il?
L’homme des discours, que sait-il de la douceur du silence?
Le coeur aride, que connaît-il de la fraîcheur fluide?
Je suis le miroir, je suis le miroir, je ne suis pas l’homme des discours.
Vous pourrez voir mon état spirituel quand vos oreilles seront devenues regard.
J’agite mes mains comme les feuilles de l’arbre, et je tourbillonne en dansant comme la lune;
Cette rotation a un aspect terrestre, mais elle est plus pure que celle des sphères célestes.
O initié qui tiens des discours, parle, que je prie Dieu pour toi,
Quand je serai gai et ivre, chaque matin, au moment de la prière.
Mon froc et ma tunique,  je ne te les refuse pas;
Ce qui m’arrive du Sultan, partageons-le par moitié.
Par la main du Sultan m’arrivent la coupe et l’amphore du vin éternel:
La source du soleil en mendie une gorgée.
Je suis silencieux, mon gosier est infirme, ô initié qui tiens des discours, parle, toi,
Car tu es la voix de David, et je suis comme un fétu de paille envolé.

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