L’amour

Quand la flèche de l’amour touche le coeur d’un incroyant, elle le blesse à l’orgueil, d’une blessure particulière. C’est de cette blessure que nous parle Rûmî aujourd’hui.

Le pied de cet émir s’est enlisé dans la boue de notre quartier.
Afin que je t’explique son état, dis: « Quand le malheur vient, l’atmosphère devient oppressante. »
Dur, et à la manière des tyrans, il allait plein d’orgueil,
Se moquant des amoureux, car il considérait l’amour comme une amusette.
A tant d’oiseaux volant dans l’air et loin des pièges
Arrive par l’arc du destin la flèche du malheur qui perce leurs plumes.
O seigneur, tu es devenu ivre, tu as frappé dans tes mains en dérision des amoureux;
Enivré de ta puissance, tu as lutté contre Dieu,
La tête dans les cieux, ignorant du destin,
La bourse remplie d’or et d’argent, les oreilles pleines de voeux de longue vie;
Baisers sur la main, prosternations aux pieds,
Verbiage louangeur des poètes, bavardage des moulins à paroles…
L’orgueil qui gonfle l’homme annihile toute vraie générosité;
Il le rend malade d’illusion; chaque mendiant devient un flatteur.
Il donne de l’argent en libéralité, mais ce n’est pas lui qui a créé cet argent;
Faire don des biens et des propriétés d’autrui, ce n’est pas être généreux.
Il est devenu un Pharaon et un Chaddad, il est devenu une outre pleine de vent.
De fourmi, il est devenu serpent, de serpent il est devenu dragon.
L’amour, par sa sainteté, à la façon du bâton de Moïse
Qui mange le dragon lorsque Moïse le jette,
Du ciel a visé le seigneur de la terre;
Il l’a frappé d’une flèche, et sa blessure l’a courbé comme un arc.
Le choc de cette blessure l’a fait tomber à la renverse,
Râlant comme les épileptiques d’un râle d’agonie et de mort.
Le voici perdu de réputation, débraillé, excitant la pitié de ses ennemis,
Sa famille gémissant à son sujet, à l’instar de ceux qui sont en deuil.
Il était un Pharaon, un Nemrod; il disait: « Je suis Dieu ».
Sa nuque est brisée, il s’écrie: « O mon Dieu, ô mon Seigneur! »
Son visage a pâli; son corps ne porte aucune blessure
Sauf celle causée par le clin d’oeil indiscret d’un beau visage aux lèvres douces.

Extrait de l’Ode mystique No 27

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