Le Sama, danse tournante, danse cosmique

Tous les atomes, dans l’air et le désert, sache-le bien, sont tels des insensés,
Chaque atome, heureux ou misérable, est épris du Soleil sans qualifications. (Rubâi’yât)

Le Sama, danse tournante, danse cosmique des derviches est le pilier principal de l’enseignement de Rûmî. Cet oratorio spirituel comporte un sens symbolique.
Il a pour but d’ouvrir la porte du coeur, de polir le coeur de ses scories que sont l’orgueil, la cupidité, la haine, la colère, l’envie, le désir, l’avarice.
N’est-ce pas par le souvenir (dhikr) de Dieu que les coeurs se reposent en sécurité? (Coran, XIII, 28)
« Dans les cadences de la musique, est caché un secret; si je le révélais, il bouleverserait le monde »
disait Rûmî. Lorsque au son de la flûte de roseau (Ney) les derviches s’élancent en tourbillonnant, c’est la ronde vertigineuse des planètes et de tout ce qui se meut dans la nature, qu’ils symbolisent. Leur robe blanche symbolise le linceul, le manteau noir symbolise la tombe et la toque de feutre, la pierre tombale. Le sheikh représente l’intermédiaire entre le ciel et la terre. Les trois tours qu’ils effectuent avant d’entrer dans la danse, représentent les étapes qui rapprochent de Dieu: la voie de la science, celle qui mène à la vision et celle qui conduit à l’union. Après ces tours, ils sollicitent la permission de danser, puis se mettent à tourner lentement, la main droite ouverte vers le ciel pour y recueillir la grâce, la main gauche tournée vers la terre pour y répandre cette grâce qui a traversé le coeur. Le tour qu’ils effectuent autour de la salle représente la loi de l’univers, les planètes tournant autour du soleil et d’elles-mêmes. Le cercle des danseurs est divisé en deux parties, l’une représente l’arc de descente des âmes dans la matière, l’autre, la remontée des âmes vers Dieu. Lorsque le sheikh entre dans la danse, à la quatrième partie, il représente le soleil et son rayonnement. Quand il revient à sa place, le Sama s’arrête et le chanteur psalmodie le Coran, puis viennent les derniers saluts et l’évocation de Dieu : « Hû » (Lui).
Partout où tu te tournes, là est la Face de Dieu (Coran II, 115).

J’entends la chanson du rossignol enivré,
J’entends un Sama merveilleux dans le vent,

Dans l’eau, je ne vois que l’image du Bien-Aimé,
Et dans les fleurs, je ne sens que son parfum. (Rubâi’yât)

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Rûmi

Mohammad Djalâl-od-Din Rûmî né en 1207 à Balkh et mort le 17 décembre 1273 à Konya est sans doute le plus célèbre poète persan. Il est le fondateur de l’ordre des derviches tourneurs de Turquie et aujourd’hui encore, une grande cérémonie du Samâ,(danses tournantes) en hommage à Mawlânâ, est célébrée le 17 décembre. Il s’agit du plus important rassemblement soufi et la ville de Konya toute entière participe à ces festivités. Fils d’un maître soufi et éminent théologien, Baha-od-Din Walad, appelé « le Sultan des savants », ils ont connu l’exil alors qu’il était encore enfant. Par crainte de l’invasion mongole qui menaçait, Baha-od-Din Walad emmena sa famille à la Mecque pour y accomplir le pèlerinage. A Nishâpûr, ils rencontrèrent le célèbre poète Farid-od-Din ‘Attar qui prédit au jeune Rûmî sa future tâche et son influence pour les amants mystiques. De la Mecque, ils allèrent dans une petite ville d’Arménie, puis s’installèrent dans les environs de Konya, à Larenda, et enfin à Konya.  En 1226 Rûmî se maria et de cette union deux fils naquirent : Sultân Walad et ‘Alâ-od-Din Tchelebi. Sa jeune épouse décéda peu de temps après la naissance de Tchelebi. Il épousera en deuxièmes noces une chrétienne. A la mort de son père en 1231, Rûmî lui succéda et assura le rôle de prédicateur et professeur. Un an après la mort de Baha-od-Din Walad, un de ses disciple, Burhân-od-Din Tirmidhi, arriva à Konya. Y apprenant la mort de son maître il resta auprès de Rûmî et devint son maître spirituel. Tirmidhi envoya son jeune disciple à Alep puis à Damas où il demeura plusieurs années. Il y rencontra Ibn-ul-‘Arabi celui qui avait dit, voyant, à l’époque de leur exil, le petit Djalâl-od-Din marcher derrière son père: « Louanges à Dieu ! Un océan marche derrière un lac ! » En 1240, Rûmî revint à Konya et s’installa dans son collège jusqu’en 1244, date de sa rencontre avec celui qui bouleversa sa vie: Shams de Tabriz ! Derviche errant d’environs soixante ans, Shams avait prié et supplié Dieu de lui faire rencontrer un Etre à qui il pourrait transmettre tout son savoir fût-ce au prix de sa propre vie! Les circonstances de leur rencontre sont floues, plusieurs variantes existent, ce qui est sûr c’est que Rûmî ou plutôt l’âme de Rûmî le reconnu. Il avait lui aussi la certitude qu’il devait rencontrer un être de grande valeur, un maître particulier. Voilà que leurs destins s’étaient enfin rencontrés! Ils s’isolèrent quarante jours durant lesquels Shams révéla à Rûmî les préceptes de la Religion de l’Amour! Ce fut la révolution dans la carrière de Rûmî, il cessa son activité de professeur et de prédicateur et se consacra corps et âme à la recherche de Dieu. A la question de Shams: « Quel est le but des efforts spirituels et des mortifications, de la répétition des prières et de la connaisance? » Mawlânâ avait répondu: « Comprendre la tradition et les coutumes de la loi religieuse. » « Cela est l’aspect extérieur » lui répondit Shams, et « Qu’y a-t-il au-delà de cela? » demanda encore Mawlânâ. « La connaissance, lui dit Shams, consiste à passer de l’inconnu au connu » et de lui citer les vers de Sanâ’i « Si la connaissance ne t’enlève pas à toi-même, mieux vaut l’ignorance qu’une telle connaissance ». Ce fut le début de la révélation pour Mawlânâ. Durant trois ans Shams enseigna à Rûmî les valeurs de l’Amour divin, et fit de lui le poète que nous connaissons. Ce n’est qu’après le décès de Shams, alors que le chagrin était si fort dans le coeur de Rûmî, que débuta sa véritable vocation de poète. Toutes ses oeuvres nous enseignent le voyage de l’âme, la douleur de la séparation d’avec le Divin, les retrouvailles, l’évolution nécessaire à parcourir pour polir le coeur de toutes ces scories qui empêchent de voir et d’entendre!

Si tu obéis à tes passions et tes désirs, sache-le, tu mourras misérable. Si tu renonces à tout cela, tu verras clairement pourquoi tu es venu et où tu t’en vas (Rubâi’yât)

A sa mort, non seulement les musulmans le pleurèrent, mais aussi les juifs, les chrétiens, les grecs, les arabes, les turcs, chacun récitant conformément à leurs coutumes, des versets des Psaumes, du Pentateuque et de l’Evangile!

Du ciel un appel est venu pour l’âme: « Reviens! » L’âme a répondu: « O toi qui m’appelles, bienvenue, louanges, salut! J’entends et j’obéis, ô voix! » (Odes mystiques 17)

Livres sur Rûmî

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