La Lumière est la nourriture de l’esprit

Je vous partage aujourd’hui un extrait du Mathnawî livre cinquième, verset 288
qui nous explique que la Lumière est la nourriture de l’esprit et qu’elle devient l’aliment du corps du saint.
C’est un texte à méditer encore et encore ….

Bien que cette Lumière soit l’aliment de l’esprit et la vue spirituelle, le corps aussi s’en nourrit, ô mon fils.
Si le corps satanique n’était pas content de la manger, le Prophète n’aurait pas dit :
« Le démon a accepté l’Islam.“
Comment le démon pouvait-il devenir musulman s’il ne s’était nourri du doux aliment qui rend vivants les morts ?
Le démon est passionnément épris du monde, aveugle et sourd ;
mais cet amour, sans aucun doute, peut être remplacé par un autre amour.
Quand il goûte le vin du cellier de la certitude, peu à peu, c’est là qu’il transporte son amour.
Ô toi dont le ventre est avide, détourne-toi ainsi du monde : la seule méthode est de changer de nourriture.
Ô toi dont le coeur est malade, tourne-toi vers le remède : le régime consiste à changer de disposition.
Ô toi qui est donné en gage à la nourriture, tu t’évaderas si tu te laisses sevrer.
En vérité, dans la faim se trouve une abondante nourriture ;
cherche-la diligemment et chéris l’espoir de la trouver, ô égaré !
Nourris-toi de Lumière, sois comme l’oeil, sois en accord avec les anges, ô le meilleur des hommes.
Comme l’Ange, fais de la glorification de Dieu ta nourriture, afin d’être, comme les anges, délivré des chagrins.

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Croire à une autre dimension

Tout le soufisme se fonde sur la notion coranique du mystère. L’accent est mis sur la nécessité de croire à une autre dimension des choses, comme préparatoire à toute connaissance. Cela signifie: considérer la connaissance de soi requise à partir d’une intuition fondamentale. Ce qui importe aux soufis, c’est de retrouver l’ouverture sur une dimension qui soit au-delà de toute dualité: rejoindre la conscience profonde.
L’unité, sous-jacente à la multiplicité, en est le thème essentiel. « Tout est périssable, dit le Coran, sauf le visage de Dieu ». Toute recherche du Moi transcendantal qui est au-delà des limites spatiales et temporelles, traduit un manque, une coupure avec Le Bien-Aimé, un exil. La plainte de la flûte de roseau (Ney) qui accompagne la danse des derviches en est le messager. Le Mathnawî débute sur ces mots:
« Ecoute la flûte de roseau raconter une histoire et se lamenter de la séparation:
Depuis qu’on m’a coupée de la jonchaie, ma plainte fait gémir
l‘homme et la femme.
Je veux un coeur déchiré par la séparation pour y verser la douleur du désir.
Quiconque demeure loin de sa source aspire à l’instant où il lui sera réuni.

Le Mathnawî nous dit encore au livre III : « Tu n’es pas un seul toi, ô mon ami, en vérité, tu es le ciel et la mer profonde. Ce Toi puissant est mille fois plus grand que l’océan où se noient une centaine de toi. » 
Les états mystiques des soufis découlent de la  prise de conscience et de la connaissance de cette unité avec le Bien Aimé.
Thérapeutique psychanalytique, interprétation des rêves, phénomènes métapsychiques, transmission d’un état spirituel sont les différentes étapes que doivent franchir les chercheurs. Le maître transmet tous ces savoirs par des mots ou par la voie du coeur, en silence. Ainsi donc il est dit, dans le plus ancien traité de soufisme dû à al-Hujwiri :
« La langue de l’état spirituel est plus éloquente que ma langue, et mon silence est l’interprète de ma question ». Ainsi toute maïeutique présuppose-t-elle cet accord spirituel qui aboutit au partage d’une intériorité et que les mystiques désignent par « être de même souffle ».
Le Mathnawî nous dit aussi : « Je ne suis pas ce corps qui est visible aux regards des amants mystiques; je suis ce goût, ce plaisir qui se produisent dans le coeur du disciple à nos paroles et en entendant notre nom. Grand Dieu ! Quand tu reçois ce souffle, quand tu contemples ce goût dans ton âme, considère-le comme une proie et remercie Dieu, car moi je suis cela. » Entre le maître et le disciple s’établit, au sein de cet accord, une sorte d’osmose spirituelle. Dans l’intimité de personne à personne, le maître connaît la pensée du disciple. Au livre VI du Mathnawî nous trouvons l’interrogation du maître à son disciple en ces termes: « Comment pourras-tu reconnaître quelqu’un dans la nuit? Comment connaîtras-tu sa nature cachée ? »
Il répondit: « Je m’assieds en silence devant lui et fais de la patience une échelle pour monter plus haut. Et si dans sa présence jaillit de mon coeur un discours dépassant ce royaume de la joie et du chagrin, je sais qu’il me l’a envoyé des profondeurs d’une âme illuminée.
Le discours de mon coeur vient de là, car il y a une fenêtre entre le coeur et le coeur. »

Enseignements tirés du livre : Rumi et le Soufisme

L’intermède musical est tiré de l’album Music of Turkey   Podcast: Croire à une autre dimension

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Injustice

« Si une injustice est commise par toi envers ton père, ce père deviendra méprisable à tes yeux.
Ton père n’est pas méprisable; c’est l’effet de ton injustice qu’une telle miséricorde t’apparaisse comme méprisable.
Quand tu as fait la paix avec ton père, la colère a disparu; ce mépris disparaît et ton père aussitôt devient ton ami. » Extrait du Mathnawî livre IV, 3255
La psychologie aujourd’hui, nous démontre que tous les problèmes rencontrés dans la vie de l’individu proviennent de situations non résolues avec les parents et tente de rejeter la responsabilité des malheurs sur les parents.
La spiritualité, elle, nous invite à nous interroger plutôt que de chercher un coupable à condamner, de s’interroger sur ce qui ne va pas en soi; sur ce qu’il serait bon de changer comme attitude pour pouvoir accueillir ses parents comme des êtres aimants, bienveillants, à qui il puisse être dit simplement MERCI pour la vie donnée et les accueillir comme Ami!
Mais quelles sont donc ces attitudes, ces injustices qui rendent les pères méprisables? L’arrogance, l’orgueil, l’attachement, la luxure, l’ignorance… eh oui, ce sont toujours les mêmes!!!
Cet extrait nous invite à une interrogation majeure: « Qu’est-ce qui empêche d’être en paix avec son père (ou sa mère) et de l’accueillir, simplement comme il est, sans exiger qu’il soit différent? Qu’y a-t-il à laisser tomber en soi, pour y parvenir? Comment faire la paix et devenir humble face à un parent? » Avoir pour Ami son père est bien différent que de le vouloir comme copain! Le père n’est-il pas une créature de Dieu? Est-il possible de rejeter une créature de Dieu et prétendre aimer Dieu? NON…
Le chemin de l’Eveil spirituel passe inévitablement par une succession d’abandon de croyances et d’attitudes.

Podcast: Injustice plus Ensemble Ibn Arabi

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Celui qui voyait par la lumière de Dieu

Rûmî nous traduit une parabole dans le Mathnawî livre VI, 1131; parabole de Hilâl, celui qui voyait par la lumière de Dieu.  A méditer!

C’est l’histoire de caravaniers qui arrivèrent et entrèrent dans un village et trouvèrent ouverte une certaine porte.
L’un d’eux dit: « Durant cette période de temps froid, arrêtons-nous ici pour quelques jours. »
Une voix cria: « Non, déchargez-vous au-dehors, puis pénétrez à l’intérieur! Déposez au dehors tout ce qui doit être déposé: n’entrez pas avec, car le lieu de cette assemblée a une haute dignité. »
Hilâl était un initié et un homme à l’âme illuminée, bien qu’il fût le valet et l’esclave d’un émir musulman. Le jeune homme servait comme valet à l’écurie, mais en réalité il était un roi d’entre les rois, et un esclave seulement de nom.
L’émir ignorait l’état véritable de son esclave, car il ne possédait d’autre discernement que du genre de celui d’Iblis. Il voyait l’argile, mais non le trésor qu’elle recélait; il voyait les cinq sens et les six directions, mais non la source des cinq sens.
La couleur de l’argile est manifeste, la lumière de la religion est cachée; ainsi en était-il pour chaque prophète du monde.
Une personne vit le minaret, mais non l’oiseau perché sur lui, bien que sur ce minaret se trouvât un splendide faucon royal;
et un second observateur vit un oiseau battant des ailes, mais il ne vit pas le cheveu dans le bec de l’oiseau.
Mais celui qui voyait par la lumière de Dieu aperçut à la fois l’oiseau et le cheveu, et dit à l’autre: « Je te prie, dirige ton regard vers le cheveu; tant que tu ne l’auras pas vu, le noeud ne sera pas dénoué. »
L’un vit dans la boue seulement de l’argile façonnée, tandis que l’autre vit l’argile remplie de connaissance et d’oeuvres.
Le corps est le minaret, la connaissance et l’obéissance envers Dieu sont comme l’oiseau: supposez que trois cents oiseaux y soient perchés, ou seulement deux oiseaux, comme il vous plaira.
L’homme moyen voit seulement l’oiseau: ni devant, ni derrière lui, il ne voit autre chose qu’un oiseau. Le cheveu est la lumière cachée appartenant à l’oiseau, grâce à laquelle l’âme de l’oiseau dure à jamais:
Les actions de l’oiseau dans le bec duquel se trouve un cheveu ne sont jamais empruntées; sa connaissance jaillit perpétuellement de son âme; cet oiseau n’a rien qui soit emprunté à autrui et n’a aucune dette.

Et toi, que voix-tu? Qu’empruntes-tu aux autres et que laisses-tu jaillir de ton âme?

L’intermède musical est tiré de l’album Whirling de Omar Faruk Tekbilek Podcast: Celui qui voyait par la lumière de Dieu

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Le corbeau

Le corbeau, nous l’avons vu dans le texte des « quatre oiseaux immatériels« , représente le désir de l’immortalité, de la longue vie d’ici-bas.

Lorsque j’étais enfant, j’entendais les gens dire qu’un corbeau qui chante sur le toit d’une maison, annonce la mort! Il était perçu comme un oiseau de mauvais augure.
Or, si nous regardons d’un oeil intérieur, spirituel, le corbeau nous invite à mourir à l’attachement à cette vie! A l’attachement des apparences (corps beau), à l’attachement de tant de désirs qui nous maintiennent prisonniers dans ce monde et de ce fait nous éloignent de la Présence de Dieu!  Que l’on songe à la Fable de la Fontaine: « Le renard et le corbeau »!
Désirer de la part de Dieu, quoi que ça soit d’autre que Dieu, n’est que l’imagination d’un gain, mais en réalité c’est une perte totale; spécialement désirer une vie plongée dans l’éloignement de Dieu.
La vie pure consiste à nourrir l’esprit dans la proximité de Dieu; la vie du corbeau consiste à manger de l’ordure. (Mathnawî, VI)

Le chant du corbeau nous invite à nous questionner dans notre coeur en ce sens: « Où est-ce que je mets la priorité? à l’attachement de ce qui me flatte, me glorifie, me gratifie, me comble et me gonfle d’orgueil… ou … à me délivrer de ma nature de corbeau, à me rapprocher de la Vérité et de la présence de Dieu? »

Et si l’on se penche sur l’histoire de Caïn et Abel (Qabyl et Habyl dans le Coran) nous y découvrons cette invitation: tuer le mauvais en soi, la jalousie, l’envie, la haine… Caïn ne le peut, il tue le juste, le proche de Dieu; Abel ne se défend pas il se soumet. Il sait que l’Union divine est au-delà de la mort, dans l’au-delà. C’est un corbeau qui enseigna à Caïn comment enterrer le cadavre de son frère. Il (le corbeau) nous livre ici sa nature:  son attachement à ce monde et à son désir d’immortalité en cachant, en ignorant le corps divin « sacrifié » (littéralement rendu sacré) et d’autre part, enseigne que ce qui est à Dieu retourne à Dieu, il nous dit aussi toute la culpabilité ressentie à travers cet acte pour celui qui rejette la Vie divine.
Son âme l’incita à tuer son frère. Il le tua et devint ainsi du nombre des perdants.
Il dit: « Malheur à moi! Suis-je incapable d’être comme ce corbeau… à même d’ensevelir le cadavre de mon frère? » Il devint dès lors rongé de remords (Coran, V, 30-31)

L’intermède musical est tiré de l’album de Kudsi Erguner  Podcast: Le corbeau

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